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Flahault: Pand?mie, est-ce grave docteur ?

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  • Flahault: Pand?mie, est-ce grave docteur ?

    On entend ?a et la, et notamment durant la table ronde n?2 de l?audition publique ?H1N1, et si c??tait ? refaire? (vid?ocast disponible en ligne), de l?Office Parlementaire d?Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques du 14 juin 2010, Fran?ois Heisbourg, de la fondation pour la recherche strat?gique, qu?il serait ??vident? que la d?finition de la pand?mie inclut une notion de s?v?rit?. Nous ne reviendrons pas sur les fausses assertions au cours de ce d?bat selon lesquelles l?OMS aurait pr?tendument chang? de d?finition au cours de la pand?mie, ou plus exactement le 4 mai 2009 ; l?historien de l?EHESP, Patrick Zylberman, nous a aid? dans notre pr?c?dent billet ? tirer les choses au clair ? ce propos. En revanche, revenons un instant sur la question de la s?v?rit? associ?e au mot pand?mie.

    Fran?ois Heisbourg si l?on r?sume ses propos, soutient que le seul sens de l?alerte pand?mique ? et toutes les cons?quences sociales, politiques, ?conomiques, m?dicales qui s?en suivent ? r?side en la s?v?rit? attendue derri?re le son du tocsin. On ne d?roule pas un tapis de mesures dont l?impact soci?tal est si lourd pour une grippe saisonni?re, et donc on n?avait pas ? le d?rouler pour un ?v?nement dont les caract?ristiques en termes d?impact sanitaire (ou de s?v?rit?) ne se distinguerait pas d?une grippe saisonni?re. L?expert en strat?gie pr?cise cependant en introduction qu?il n?est pas expert de la grippe. Ce point est important pour la suite de notre raisonnement.

    En effet, lorsqu?il s?agit de d?rouler le plan ORSEC ? la suite de la catastrophe AZF, ou l??quivalent d?un tel plan apr?s les explosions du m?tro londonnien ou l?attentat de la gare de Madrid, on n?a aucune difficult? ? estimer rapidement la gravit? de la situation. Il y a des morts qui sont rapport?s, personne n?en discute la relation de cause ? effet, et des bless?s qu?il faut ?vacuer rapidement. On comptera plus tard avec pr?cision, qu?importe, il faut y aller. Il faut aussi ?viter tout risque de sur-accident. Le plan est d?clench?, la situation l?exige. Mais dans le cas d?une maladie ?mergente, comment savoir si l??v?nement est grave ou non ? Les ?textbooks?, ces manuels de m?decine qui font r?f?rence ? Regardez le chikungunya dans l?oc?an indien en 2005-2006 : jusqu?? l??pisode r?unionnais, tous les trait?s de m?decine s?accordaient ? dire que la maladie ?tait b?nigne. M?me le directeur g?n?ral de l?OMS qui ?tait en voyage officiel ? l??le Maurice au coeur de l??pid?mie, en mars 2006 ? ?le qui s?est av?r?e fortement impact?e par l??pid?mie ? a d?clar? ? l??poque que la maladie ?tait b?nigne et que les m?dias ?des ?les voisines? avaient sur-r?agi. 40% de l??le de la R?union allait ?tre atteinte en 2006, 2% d?hospitalisations parmi les cas, les soins intensifs engorg?s, 255 d?c?s. Et pourtant, massivement, dans 98% des cas le chikungunya reste une maladie largement b?nigne. Elle laisse cependant des s?quelles articulaires prolong?es parfois invalidantes (Science, article de M. Enserink, du 21 d?cembre 2007, en acc?s payant en ligne, langue anglaise).

    Alors que veut dire une maladie b?nigne ? Apr?s les attentats du 11 septembre, personne n?ergotait pour savoir si les blessures ?taient profondes ou superficielles. Mais la grippe, c?est grave ou c?est b?nin ? Eh bien, un peu comme le chikungunya, c?est massivement b?nin,? et parfois un peu grave. On sait aujourd?hui que si c?est H3N2, ?a touche plus souvent les personnes ?g?es, et ? cause de cela, les personnes ?g?es ?tant plus souvent que les plus jeunes atteintes de maladies multiples parfois invalidantes, ?d?compensent? leurs pathologies graves pr?-existantes, c?est-?-dire les voient s?aggraver en pr?sence de l?infection grippale et peuvent en mourir. On sait aujourd?hui que si c?est H1N1pdm, les jeunes adultes, et m?mes les enfants, et certaines personnes ?g?es peuvent, pour des raisons que l?on ignore, faire un syndrome de d?tresse respiratoire aig?e (SDRA), se retrouver en r?animation avec une m?thode de ventilation artificielle tr?s p?rilleuse, tr?s co?teuse qui se termine dans 20% des cas par le d?c?s du patient. C?est grave ou c?est b?nin ? Quelle est la bonne m?trique ? La mortalit? ? Laquelle ? Comment laquelle ? Un mort est un mort, non ? Oui, mais mort de quoi : mort ? cause du virus ou mort avec le virus ? Certains remettent en cause les statistiques de d?c?s d?une autre pand?mie, surtout africaine, celle du paludisme. Parce que comme beaucoup de personnes vivant en zone impalud?e sont porteurs du parasite (plasmodium), par le fait du hasard d?j?, on s?attend ? ce que la m?me proportion des personnes d?c?d?es soient aussi porteuse du parasite. C??tait vrai pour les d?c?s ? La R?union, pendant l??pisode chikungunya? Et pour la grippe. Alors il y a la mort indirecte, celle que l?on voit statistiquement sur les courbes de mortalit?. Mais on n?en dispose qu?une fois que le film est termin? le plus souvent, en tout cas pas au moment de donner l?alerte. Et puis, m?me, on a vu dans un pr?c?dent billet qu?une publication de PLOS Currents Influenza (article gratuit en ligne, en anglais) de l??quipe am?ricaine du NIH de C?cile Viboud et coll. revisitait (le 20 mars 2010) la mortalit? attribu?e ? la grippe en proposant une autre m?trique, fond?e sur le nombre d?ann?es de vie perdues, pour montrer que la gravit?, sur ce crit?re, de la pand?mie 2009 ?tait de niveau sup?rieur ? celle de 1968-69 (qui avait caus? 35 000 d?c?s en France? en nombre absolu cette fois). Mais, m?me cela, nous venons de l?apprendre. En mai 2009, personne ne pouvait encore l?appr?cier. En juin non plus. En septembre ou en octobre 2009 ? On ?tait tout juste bon alors pour savoir que la mortalit? directe avait un visage nouveau et diff?rent de celui des virus saisonniers des saisons pass?es. Mais la mortalit? directe n??tait que le sommet d?un iceberg dont les ?pid?miologistes de la grippe savaient qu?il pouvait ?tre beaucoup plus important que ce qu?il ne d?voilait alors (?un iceberg quoi !). Donc m?me en octobre 2009, lorsque l?InVS faisait tourner ses mod?les et proposait des sc?narios qui allaient jusqu?? 96 000 d?c?s, hypoth?se extr?me qu?ils ne privil?giaient pas, ils se fondaient sur des r?sultats de mortalit? indirecte qui pouvaient encore survenir. Pr?caution.

    Pas simple l?estimation de la gravit? dans le cas des maladies ?mergentes. Une le?on ? tirer pour l?avenir ? Une proposition : traquer avec un groupe pluridisciplinaire l?estimation de cette gravit? d?s le d?but, avec tous les instruments en place. Car pour le H1N1pdm, la connaissance des virologues de la distribution d??ge des cas, et de leur similarit? du H1N1 saisonnier aurait contribu? beaucoup dans le d?bat pour renforcer l?id?e que la mortalit? indirecte serait probablement faible. Les ?pid?miologistes auraient mentionn? que le nombre d?ann?es de vie perdues allait ?tre ?lev?. Et l?on aurait alors communiqu? sur les diff?rentes m?triques. Acceptons la complexit?.

    Antoine Flahault


    On entend ça et la, et notamment durant la table ronde n°2 de l'audition publique "H1N1, et si c'était à refaire" (vidéocast disponible en ligne), de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques du 14 juin 2010, ...
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