Point de vue
Virus et volcan : les limites du principe de pr?caution, par Beno?t Gallix
| 20.04.10 | 14h05 ? Mis ? jour le 20.04.10 | 14h05
<!-- *********************************MAIN COLUMN*********************************--><SCRIPT language=javascript type=text/javascript> function expandBarrePartager() { if($("#barrePartager").css("display")=="none") { $("#barrePartager").fadeIn("slow"); } else { $("#barrePartager").fadeOut("slow"); } } </SCRIPT><SCRIPT type=text/javascript>if ( 'undefined' == typeof MIA) MIA = {};MIA.Partage = {toggled: false,toggleSharing:function(){if(!MIA.Partage.tog gled){document.getElementById('shareTools').style. display='block';MIA.Partage.toggled=true}else{docu ment.getElementById('shareTools').style.display='n one';MIA.Partage.toggled=false}},ouvrirPopup:funct ion(url,titre,parametres){var expression = /[^*]width=([0-9]*)[^*]/;expression.exec(parametres);var popup_width=RegExp.$1;expression=/[^*]height=([0-9]*)[^*]/;expression.exec(parametres);var popup_height=RegExp.$1;var left=(screen.width-popup_width)/2;var top=(screen.height-popup_height)/2;var params=parametres+',top='+top + ',left='+left;var win=window.open(url,titre,params)}}</SCRIPT><TABLE class=toolBox id=toolBox cellSpacing=0 cellPadding=0 border=0><TBODY><TR><TD class=articleEA vAlign=top></TD><TD class=tools></TD></TR></TBODY></TABLE>
M?decin, de retour d'une mission au Vietnam, je suis bloqu? ? Bangkok avec tous les passagers du vol AF 173. En quelques mois, j'ai ?t? au c?ur de deux "pand?mies", la grippe A(H1N1) durant l'automne, et les poussi?res du volcan islandais Eyjafj?ll aujourd'hui. La similitude est ?tonnante.
Au d?part, des circonstances bien r?elles et inqui?tantes : un nouvel agent viral apparu au Mexique est qualifi? de "pand?mique", c'est-?-dire qui peut se propager rapidement ? travers le monde ; l'?ruption spectaculaire d'un volcan en Islande et son panache de fum?es et de cendres qui se dirige vers l'Europe. Dans les deux cas, les organismes de surveillance internationaux font leur travail avec efficacit? et rapidit?. L'Organisation mondiale de la sant? analyse la propagation du virus, le Volcanic Ash Advisory Center (VAAC) traque les cendres volcaniques. Depuis des ann?es, ils d?tectent, mod?lisent et anticipent de telles circonstances. Ils sont pr?ts.
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Mais les donn?es r?elles ne sont pas faciles ? obtenir. La d?tection des virus est toujours d?licate et l'?valuation de l'?pid?mie dans les pays pauvres sujette ? caution. Pour le volcan, la mesure du type de poussi?re est impossible dans le panache et tr?s difficile dans l'atmosph?re. Alors, on utilise des mod?lisations math?matiques de propagations : ?pid?miologique, m?t?orologique. Certes, il existe des exp?riences ant?rieures, mais le catalogue des pand?mies de grippe est pauvre et celui des ?ruptions sous-glaciaires n'est gu?re plus riche.
Nous sommes donc contraints d'utiliser des mod?les de dispersion des agents "pathog?nes" d?riv?s de situations mieux connues : propagation d'autres virus, mod?les m?t?orologiques classiques. Les approximations sont fortes et, en l'absence de donn?es fiables, on applique toujours les normes de s?curit? les plus ?lev?es. Les variations peuvent ?tre majeures suivant les param?tres saisis et les outils de mod?lisation. Les scientifiques travaillant au VAAC sont certainement un peu abasourdis par les cons?quences mondiales des pr?visions de leurs ordinateurs.
Une fois les pr?visions ?tablies par les experts d'un organisme unique, et qui peut donc difficilement ?tre contredit, intervient alors le principe de pr?caution. "On n'en fait jamais assez s'agissant de la s?curit?, de la sant? de nos concitoyens", a dit le ministre de l'int?rieur ? propos de la grippe aviaire. Ne "jamais en faire assez" n'est-ce pas aussi parfois "trop en faire", avec pour cons?quences des actions potentiellement plus d?l?t?res que le risque initial ? Sur les centaines de milliers de personnes bloqu?es ? travers le monde, combien vont avoir des probl?mes de sant? graves, voire mortels ? Plus ou moins que la chute d'un avion ? Ce risque n'a pas fait l'objet d'une mod?lisation, car il n'est ni visible, ni ?valuable, ni m?diatique. Sans int?r?t.
LE SENS DE L'OBSERVATION
Dans les deux cas, on oublie le bon sens et surtout celui de l'observation. La propagation du virus dans l'h?misph?re Sud a pourtant ?t? suivie de pr?s, et sa gravit? ?valu?e comme tr?s mod?r?e au moins deux mois avant sa diss?mination en Europe. Ces ?l?ments factuels auraient d? faire r?fl?chir et modifier la strat?gie des organismes internationaux et des Etats ; cela n'a pas ?t? le cas. Une fois le syst?me lanc? personne n'ose - et ne peut - l'arr?ter. Pour les cendres volcaniques, je crains que le m?me sch?ma ne se reproduise : il n'y a aujourd'hui aucune preuve tangible de la dangerosit? de ces poussi?res, en dehors de la Grande-Bretagne semble-t-il.
Si le principe de pr?caution doit ?tre appliqu? en premi?re intention en se basant sur des mod?lisations, il faut pouvoir l'adapter ? la r?alit? du terrain, aux faits tangibles. C'est-?-dire accepter les erreurs et modifier rapidement les strat?gies. Les enjeux financiers viennent encore compliquer le probl?me. S'ils n'y sont pour rien au d?part, les laboratoires pharmaceutiques capables de fabriquer des vaccins n'ont pas ?t? dans le sens d'une mod?ration du risque. Pour l'aviation, ce sont les assureurs qui refusent de couvrir les compagnies en cas d'accident et aucune compagnie n'acceptera de voler sans assurance. La boucle est boucl?e, le ciel europ?en est vide et nous restons coinc?s ? Bangkok.
<HR>Beno?t Gallix, professeur de m?decine ? l'universit? de Montpellier.
Virus et volcan : les limites du principe de pr?caution, par Beno?t Gallix
| 20.04.10 | 14h05 ? Mis ? jour le 20.04.10 | 14h05
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Au d?part, des circonstances bien r?elles et inqui?tantes : un nouvel agent viral apparu au Mexique est qualifi? de "pand?mique", c'est-?-dire qui peut se propager rapidement ? travers le monde ; l'?ruption spectaculaire d'un volcan en Islande et son panache de fum?es et de cendres qui se dirige vers l'Europe. Dans les deux cas, les organismes de surveillance internationaux font leur travail avec efficacit? et rapidit?. L'Organisation mondiale de la sant? analyse la propagation du virus, le Volcanic Ash Advisory Center (VAAC) traque les cendres volcaniques. Depuis des ann?es, ils d?tectent, mod?lisent et anticipent de telles circonstances. Ils sont pr?ts.
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Nous sommes donc contraints d'utiliser des mod?les de dispersion des agents "pathog?nes" d?riv?s de situations mieux connues : propagation d'autres virus, mod?les m?t?orologiques classiques. Les approximations sont fortes et, en l'absence de donn?es fiables, on applique toujours les normes de s?curit? les plus ?lev?es. Les variations peuvent ?tre majeures suivant les param?tres saisis et les outils de mod?lisation. Les scientifiques travaillant au VAAC sont certainement un peu abasourdis par les cons?quences mondiales des pr?visions de leurs ordinateurs.
Une fois les pr?visions ?tablies par les experts d'un organisme unique, et qui peut donc difficilement ?tre contredit, intervient alors le principe de pr?caution. "On n'en fait jamais assez s'agissant de la s?curit?, de la sant? de nos concitoyens", a dit le ministre de l'int?rieur ? propos de la grippe aviaire. Ne "jamais en faire assez" n'est-ce pas aussi parfois "trop en faire", avec pour cons?quences des actions potentiellement plus d?l?t?res que le risque initial ? Sur les centaines de milliers de personnes bloqu?es ? travers le monde, combien vont avoir des probl?mes de sant? graves, voire mortels ? Plus ou moins que la chute d'un avion ? Ce risque n'a pas fait l'objet d'une mod?lisation, car il n'est ni visible, ni ?valuable, ni m?diatique. Sans int?r?t.
LE SENS DE L'OBSERVATION
Dans les deux cas, on oublie le bon sens et surtout celui de l'observation. La propagation du virus dans l'h?misph?re Sud a pourtant ?t? suivie de pr?s, et sa gravit? ?valu?e comme tr?s mod?r?e au moins deux mois avant sa diss?mination en Europe. Ces ?l?ments factuels auraient d? faire r?fl?chir et modifier la strat?gie des organismes internationaux et des Etats ; cela n'a pas ?t? le cas. Une fois le syst?me lanc? personne n'ose - et ne peut - l'arr?ter. Pour les cendres volcaniques, je crains que le m?me sch?ma ne se reproduise : il n'y a aujourd'hui aucune preuve tangible de la dangerosit? de ces poussi?res, en dehors de la Grande-Bretagne semble-t-il.
Si le principe de pr?caution doit ?tre appliqu? en premi?re intention en se basant sur des mod?lisations, il faut pouvoir l'adapter ? la r?alit? du terrain, aux faits tangibles. C'est-?-dire accepter les erreurs et modifier rapidement les strat?gies. Les enjeux financiers viennent encore compliquer le probl?me. S'ils n'y sont pour rien au d?part, les laboratoires pharmaceutiques capables de fabriquer des vaccins n'ont pas ?t? dans le sens d'une mod?ration du risque. Pour l'aviation, ce sont les assureurs qui refusent de couvrir les compagnies en cas d'accident et aucune compagnie n'acceptera de voler sans assurance. La boucle est boucl?e, le ciel europ?en est vide et nous restons coinc?s ? Bangkok.
<HR>Beno?t Gallix, professeur de m?decine ? l'universit? de Montpellier.
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